J’ai testé l’expo Picasso au FHEL – 2nde partie
Moi aussi, j’aimerais être une Jacqueline ! Quoique… Pablo Picasso considérait-il sa femme seulement sous le prisme de la création artistique, c'est-à-dire égoïstement ? La première année de leur relation, il a peint pas moins de 160 portraits de son égérie, c'est-à-dire un tableau tous les 2 à 3 jours. L’Art et l’Amour se confondant. Devenir un objet de désir et d’obsession, est-ce valorisant ou dégradant ? N’ayant jamais été muse moi-même, je ne saurais le dire. Mais la dépendance au regard de l’autre n’a jamais été bonne pour l’estime de soi.
Jacqueline aura été la dernière femme et muse de Picasso. Elle a 26 ans et lui 72 lorsqu’ils se rencontrent. 20 ans de vie commune jusqu’à la mort de l’artiste en 1972.
Il lui fait la cour en dessinant à la craie une colombe sur sa maison et en lui offrant une rose par jour jusqu'à ce qu’elle cède à ses avances six mois plus tard. (Heureusement que Jacqueline y a vu de la romance…) Tous ces efforts pour sa belle, alors qu’il est toujours marié avec Olga Khokhlova et entretient parallèlement une relation avec Françoise Gilot. Olga Khokhlova mourra (d’un cancer et de chagrin ?) 2 ans plus tard. Quant à Françoise Gilot, elle sortira les griffes au moment du partage de l’héritage de son ex-amant.
Dans les premiers portraits de Jacqueline, Pablo force les traits du magnifique visage de son nouveau modèle, exagère son nez grec, lui dessine d’immenses yeux noirs, d’épais sourcils. La dignité, la force de caractère de Jacqueline transparaissent sous les coups de pinceau ‘‘caricaturés’’ de Picasso. Dans son processus créatif, l’artiste se nourrit de la peinture du passé, s’inspirant - parfois avec humour, ironie, voire insubordination – de Delacroix (Femmes d’Alger en 1954), Velasquez (Les Menines en 1957), Manet (Le Déjeuner sur l’herbe en 1960-61), etc. « Une façon pour lui de confronter son langage pictural aux grands chefs-d’œuvre de la peinture, de renouveler le genre de la citation et de vérifier son pouvoir de peintre. »
Picasso meurt en 1973, à l’âge de 92 ans. 13 ans plus tard, Jacqueline, malade alcoolique depuis la mort de son « Monseigneur » comme elle aimait l’appeler en lui baisant les mains, se suicide dans un grand moment de déprime et de solitude. Elle avait 59 ans.
Bien qu’il y ait plus de portraits de Jacqueline que des autres muses de Picasso, on ne sait pas grand-chose de cette femme discrète et serviable. Il existe très peu d’écrits sur elle, sur le genre de relation qu’elle entretenait avec son fameux mari, sur les intrigues (vraies ou supposées) qu’elle aurait imaginées pour que l’héritage de Picasso ne parvienne pas à ses enfants illégitimes (qu’il a eu avec Françoise Gilot… Slaaaaaack ! *coups de griffes*).
Ce qui se révèle de la « période Jacqueline », contrairement aux périodes précédentes, c’est l’humour, la tendresse au sein du couple, et également un besoin grandissant de sécurité (de sérénité ?) à l’approche de la mort. Picasso adorait le côté « exotique » de sa muse et sa manière de s’asseoir les jambes croisées et les genoux remontés contre la poitrine. Ainsi de nombreux tableaux la représentent dans un rocking chair, le visage souriant, le regard complice, quelquefois endormie. Picasso s’autorise également une nouvelle palette de couleurs - plus sombre - avec des ocres, des verts profonds et du noir... Qui ne détourne pas de l’impression générale de vie et de gaieté.
Je vous recommande vivement de découvrir la collection privée des « Picasso de Picasso », prêtée par Catherine Hutin-Blay, l’unique fille de Jacqueline (née d’un précédent mariage avec André Hutin), au FHEL, à Landerneau. Exceptionnel et passionnant ! Et n’hésitez pas à demander des explications aux médiateurs.
L’exposition est visible jusqu’au 1er novembre 2017 au Fonds Leclerc, aux Capucins à Landerneau. Tarifs : 6 et 8 euros.