J'ai testé le TGV Paris-Landerneau
Je déteste me retrouver dans la foule de la gare Montparnasse. C’est un endroit tellement impersonnel. Nous sommes beaucoup et pourtant je m'y sens seule. Je slalome avec ma valise entre les gens pressés, les retardataires qui courent, les enfants traînés par leurs parents, les gens en avance qui flânent, les agents d’entretien, le livreur de chez Paul, les militaires armés jusqu’aux dents et parfois des chiens, des chats ou des lapins dans leur cage.
Je suis très observatrice et j’essaie de deviner la destination des gens, leur métier, leur vie. Évidemment, les plus beaux à espionner ce sont ces couples qui se rejoignent. L’un descendant d’un train, l’autre attendant sur le quai. Ils se rapprochent toujours timidement, toujours un sourire aux lèvres. Puis le rapprochement se fait plus charnel. Un baiser furtif pour certains, langoureux pour d’autres. J’ai vu des femmes amoureuses de femmes, d’hommes amoureux d’hommes. Sur les quais de Paris tout paraît bien plus facile.
Les corps se séparent juste au sifflet du contrôleur. Les bisous envoyés par le souffle sur la main paraissent transpercer les vitres des trains.
Une femme avec ses trois enfants s’énerve car sa sœur ne peut pas l’accompagner jusqu’à son wagon. Des portiques sont installés et on ne peut y passer qu’avec le code barre de son billet, sa carte de fidélité ou le flash code de son mobile. Tous se pressent de peur que le train ne parte sans eux.
En effet, la gare n’est plus vraiment rassurante depuis les attentats terroristes que nous subissons. Ici rien n’est contrôlé. Vous rentrez dans la gare comme dans un moulin. Les vaillants militaires ne me sécurisent pas, au contraire, ils me font rappeler que nous sommes de potentielles victimes…
Une fois installée, je peux travailler, lire ou observer les autres. Des personnes travaillent ou regardent un film sur leur ordinateur, d’autres dorment, lisent ou écoutent de la musique. Il y a celles qui mangent à n’importe quelle heure de la journée, celles qui parlent à leur voisin connu. C’est très rare que les gens engagent la conversation avec un inconnu. Cela m’est pourtant arrivé et c’était plaisant : Cette femme très âgée, belle comme un cœur, bavardant comme une pie qui revenait d’Australie, cet homme qui s’intéressait à ma liseuse...
Vous avez les polis qui parlent doucement, qui ramassent leurs déchets. Vous avez les sans-gênes qui passent leurs coups de fils de leur place alors que la voix du contrôleur diffusée par haut-parleur précise que les appels téléphoniques doivent être passés des plateformes entre les wagons. Vous avez parfois la malchance de vous retrouver dans le même compartiments d'enfants pleureurs.
Je ne vais plus aux toilettes du TGV. Beurk !!! Je ne regarde plus les interstices des sièges. Beurk !!!
Ce trajet reste une aventure...Toujours différente et pleine de surprises.
Je me suis retrouvée dans le même compartiment que Patrice Laffont révisant un texte d’une pièce de théâtre, que Bruno Solo travaillant avec son imprésario sur un téléfilm, que Paul Le Gwen, l’entraîneur de foot, se reposant.
Je n’ai rien demandé, je suis née à Landerneau
J’ai quitté la ville mille fois sans succès
Toujours y suis revenue à la source de l’eau
Et sans aucun doute elle verra mon décès
Pourtant des mers belles, calmes, chaudes et turquoise
Beaucoup plus attirantes que ce bras de l’Elorn
Des monuments classés impertinents pavoisent
Dans de belles citadelles que rien n’écorne
Des villages sans pluie plutôt très avenants
Où l’on se balade sans peur d’être mouillé
Du soleil sur ma peau, des amants prévenants
De jolies terrasses où rien ne peut rouiller
Nombre d’horizons lointains m’ont détournée d’elle
Rien n’y a fait, seuls, sa lune, ses ponts, son odeur,
Ses gens, son histoire, ses allées m’interpellent
Sa douceur d’y vivre sait apaiser mes peurs
Son pont bien habité sent mes pas le fouler
Saint Luc m’a vu naître, ses deux clochers grandir
Ses vitrines renvoient mes cheveux blonds trempés
C’est chez elle que je voudrais vieillir et mourir.