J’ai testé l'appel #nousvoulonsdescoquelicots
Je viens d’avoir une discussion déprimante avec Gauthier, un copain lyonnais de Julien. On parlait argent, inégalités de revenus, inégalités sociales, exploitation des richesses, exploitation des hommes, dégradation de l’environnement. Que des sujets funs et pas clivants du tout… haha !
«
- Ecoute Gauthier, ce n’est pas normal quand même, que 26 milliardaires détiennent autant d’argent que la moitié la plus pauvre de la population mondiale !
- Mais Sophie, qui prend des risques financiers ? Qui créé les emplois ? Qui fait circuler les capitaux si ce n’est les 1% les plus riches ?
»
HaAAaa… La fa/umeuse théorie du ruissellement ! Argument contre argument. Personne n’a raison, personne n’a tort.
Pour l’un, ce sont les chômeurs de longue durée qui ne cherchent pas d’emploi qui gangrènent la société, pour l’autre, c’est le grand patron voyou qui s’exile fiscalement qui fait le plus de mal à la collectivité. Etc. Il s’en est fallu de peu qu’on atteigne le point « Godwin ».
Et puis, on a réussi à parler de choses plus légères. A changer de sujet. A prendre des nouvelles des anciens copains de la fac, au grand soulagement de Julien, le cœur coincé entre son bon vieux copain thésard et sa copine adorée. Gauthier est né et vit depuis toujours à Lyon. Il vient tout juste d’emménager avec sa femme Sandrine dans une belle maison de la région lyonnaise. Je me réjouis pour eux car leur cadre de vie – même s’il n’est plus vraiment citadin, au grand damne de Gauthier – semble idyllique : un nid confortable dans un écrin de verdure à moins d’une heure de la capitale des Gaules. Il nous invite à venir les voir. Ce qu’on accepte avec joie.
« - On a une chambre d’amis avec un grand lit et une salle de bain attenante. Et il y a une télé dans pratiquement toutes les pièces ! »
Mon Dieu, l’argument choc ! Julien me regarde du coin de l’œil, me suppliant de ne pas faire d’esclandre.
« Alors là, ce n’est pas Fengshui du tout la télé dans la chambre ! » Humour, humour. Tout le monde rigole gentiment. Mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de lui faire le couplet sur la surconsommation, l’obsolescence programmée, le travail des enfants, le gaspillage alimentaire, et j’en passe et des pires… Je me déteste quand je suis comme ça : rabat-joie. En plus, c’est contre-productif car personne n’a envie d’écouter quelqu’un qui vous fait la morale, quelqu’un qui, en plus, est loin d’être parfait carboniquement et éthiquement parlant !
« - Sophie, c’est très bien ce que tu fais. Ramasser les déchets sur le bord des routes. Moins consommer. Tout ça. Mais ça ne changera rien. Même si vous êtes dix millions à le faire, le pouvoir reste entre les mains des plus riches. Je suis d’accord avec toi, c’est pas juste, mais c’est comme ça. Profite de la vie Sophie. La vie est courte. Si je peux offrir des jouets à mes enfants, la dernière PS4 pour qu’on joue en famille, partir en vacances à l’autre bout de la planète, je le fais. Moi, je veux juste qu’on soit heureux et qu’on ne manque de rien. »
Il m’a cloué le bec. Ça m’a déprimé. Je sentais qu’il avait raison, (rrrrhhhhaaaaaa les milliardaires ne devraient même pas exister !), mais que ce n’était pas parce qu’il avait raison que c’était bien. Et qu’il aurait dû être d’autant plus consomm’acteur qu’il en avait largement les moyens.
Cette conversation m’a dérangé. Pourquoi suis-je aussi sensible à ces sujets sociétaux / environnementaux, et pas Gauthier ? Et puis, cette évidence m’a sauté aux yeux : Gauthier est un citadin. Il est déconnecté de la terre. D’ailleurs, quand je lui ai demandé s’il se verrait vivre à Saint-Urbain, il m’a répondu : « C’est con, mais rien que le bruit des chaussures qui claquent sur les trottoirs, ça me manquerait. » Il ne voit rien des conséquences de sa consommation. Les rues et caniveaux de sa cité sont karcherisés, les déchets ménagers emportés dans une autre ville, les fruits et légumes n’ont pas de saisonnalité… Il est le premier maillon de la chaîne du déchet car il achète sans se poser de questions. De loin, il doit savoir que sur nos plages bretonnes s’échouent quotidiennement des plastiques en provenance du monde entier, qu’on épand dans nos champs des produits phytosanitaires qui tuent les abeilles… Mais ça reste de loin.
Parce que j’avais besoin de réassurance, de ne pas me sentir seule, j’ai rejoint le collectif #nousvoulonsdescoquelicots qui se donne rendez-vous à18h30 chaque premier vendredi du mois devant la mairie de Landerneau. Il faisait très froid vendredi dernier, très très froid ! En descendant la rue de la Fontaine Blanche, j’ai croisé ma prof de yoga. « Tu viens avec moi, Hélène ? » Elle a tout de suite dit OUI même si elle grelottait un peu : elle avait les chaussettes trempées après avoir crapahuté tout l’après-midi dans un champs pour son boulot… Parmi la cinquantaine de participants, coquelicot en boutonnière, j’ai reconnu et discuté avec Fanch Dantec - que j’admire en secret - lui aussi originaire de Saint-Urbain. Il avait fait la Une du journal Le Monde en créant l’association Accueil Solidarité Saint-Urbain pour l’accueil de familles de réfugiés (politiques, climatiques…) Lui comme moi (comme vous j’espère) savons bien que tout est lié.
Le lendemain, j’entamais une #cleanwalk à Saint-Urbain. Et je tombe sur ça :
Une orgie de ballons de baudruche sur le parking du stade de foot. Quand je vois ça, je pense immédiatement à ça :
J’ai rapidement été rejointe par Isa, que je connais car elle fait partie de l’association Fleur du Mékong, qui m’a aidé dans le ramassage spontanément. « C’est pas possible ! » s’exclame-t-elle. « Je sais. Moi non plus, je ne comprends pas ! »
Je suis rentrée chez moi. Fière de mon action et énervée contre tous les Gauthier de la terre. Même si « ça ne changera rien » je continuerai à m’éduquer en tant que consomm’actrice. Je mets à jour la carte pour les locavores (visible sur la page principale du blog), je progresse vers le zéro déchet, je m’informe et donne à réfléchir. Mon souhait serait d’être moins agressive et rabat-joie avec les autres. Le chemin va être long...
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