J’ai testé être signaleuse pour le Tour de France
C’est l’événement du siècle : la première étape du Tour de France 2021 a pris son départ de Brest, direction Landerneau, en passant par Quimper, et Saint-Urbain ! Les villes et villages traversés par le Tour ont rivalisé d’inventivité pour sortir du lot et montrer à la France entière qu’en Finistère, on est peut-être au bout du monde, mais c’est aussi par-là que tout commence !
La commune de Saint-Urbain était à la recherche de signaleurs pour le jour-J. Seules conditions : être majeur, titulaire du permis B et en possession d’un gilet jaune de sécurité. Comme je remplissais tous les critères, j’ai répondu présent. J’étais curieuse de voir ce que cela faisait d’être un petit rouage dans la gigantesque logistique mise en place pour un tel événement.
Avec une dizaine d’autres bénévoles, j’étais convoquée à 8h30 à la mairie pour la remise des kits du « parfait signaleur » : T-shirts, carte de Saint-Urbain, estimation des heures de passage pour la course féminine le matin, puis la très attendue Caravane du Tour et la course masculine l’après-midi.
On m’a attribué le point n°7, soit le matin aux abords de l’ancienne voie romaine, dans le sens La Fosse aux Loups (plus pragmatiquement connue sous le nom de La Vieille Route de Saint-Urbain) en direction de… Saint-Urbain, où les filles devront amorcer un virage en épingle à cheveux pour retourner direction Le Stum à Dirinon, puis Landerneau à nouveau. Les filles ont plus de « chance » que les garçons : Elles devront grimper La Fosse aux Loups quatre fois, soit trois fois de plus que les garçons. L’après-midi, je me posterai au centre bourg de Saint-Urbain, route de Creac’h Balbé.
La bonne surprise, c’est que je me retrouve en binôme avec un gendarme. Ainsi, je n’aurai pas à hausser le ton face à des camping-caristes récalcitrants, des personnes « vraiment très pressées » qui ne savaient pas (???), des amoureux du cyclisme, mais encore plus de la bière. Le matin, je me retrouve donc avec Bruno, gendarme réserviste et conducteur d’autocar dans le civil. Pendant deux bonnes heures, il n’y a rien à signaler. Alors nous faisons un peu connaissance et le temps passe plus vite. Le voisin nous propose un café que nous acceptons avec plaisir.
Lorsqu’enfin, nous apercevons l’hélicoptère de France Télévisions, l’ambiance s’électrise autour de Bruno, le voisin et moi. Les habitants proches de notre intersection sortent de leurs maisons pour voir la course en vrai, et non plus à la télévision. « C’est comme la fête des voisins ! » S’exclame le voisin. Une fête qui ne dure que le temps du passage des filles, soit 30 secondes environ (multipliés par 3 passages). Puis, chacun se carapate dans sa maison pour ne rien louper de la terrible ascension avant l’arrivée.
La matinée s’achève. Je dis au revoir à Bruno et regagne la mairie où un déjeuner est proposé aux signaleurs. Rien que pour le déjeuner, ça valait le coup d’en être. Plusieurs salades composées délicieuses, baguette, fromages, gâteaux, fruits, café… Tout pour me combler ! Nous nous racontons nos anecdotes rigolotes ou moins drôles. Je peux vous dire que mon emplacement n°7 était top... J’espère qu’il en sera ainsi l’après-midi.
Je me rends au point n°7 de l’après-midi, route de Creac’h Balbé. Le gendarme est très jeune. Je crois comprendre qu’il est à l’école de gendarmerie de Châteaulin. Et c’est à peu près tout. Il est très premier degré, ce qui fait que toutes mes blagues tombent à plat. En plus, il a l’air plutôt stressé… Donc, je prends le rôle de « good cop » et lui endosse celui de « bad cop ». Il y a beaucoup plus de monde que pour la course féminine. Personnellement, j’étais plutôt curieuse de découvrir La Caravane du Tour et apparemment je n’étais pas la seule. Les véhicules « Cochonou ! » « Cochonou ! » « Cochonou ! » étaient très attendus.
Dans mon souvenir du Tour d’il y a 15 ans, les ambianceurs harnachés aux camionnettes publicitaires lançaient beaucoup plus de « goodies ». Personne ne se battait pour avoir le bob Cochonou, parce qu’on en avait tous au moins un. Aujourd’hui, c’est fini la débauche d’objets promotionnels distribués par les marques : la sobriété volontaire et les coupes budgétaires sont devenues la norme chez les grands groupes. Le lundi suivant, par curiosité, je suis allée faire une petite marche écolo sur ma pause déjeuner. Je n’ai ramassé que des mégots, bouteilles de bière et bâtonnets de sucettes. A peu près rien ne provenant de la Caravane.
Les coureurs ont un peu de retard. Une rumeur se répand à l’intersection de Creac’h Balbé : il y aurait eu une chute massive du peloton à 45 km de l’arrivée, désormais plus connue sous le nom de « Opi-Omi ». Quand je vois le replay à la maison, je me dis que ça aurait pu m’arriver ce genre de mésaventure… Donc je ne dis rien. Je compatis avec les coureurs cyclistes blessés dans la chute et avec la jeune femme qui ne pensait certainement pas à mal. Ma voisine m’envoie un texto avec un lien vers Côté Brest, l’hebdomadaire brestois 100% gratuit : Son mari en photo avec une pancarte « VIVE ST URBAIN » côté face.
J’adoOooore ! Côté pile, il y avait une déclaration d’amour « Magalie, je t’aime ! ». Wawww. Je lui réponds : « Tellement romantique et il n’a même pas fait tomber le peloton. BRAVO »
Enfin, les coureurs traversent la commune. La foule est en liesse. Pour les plus jeunes enfants, le spectacle se trouve dans les airs : les hélicoptères de la télé et de la gendarmerie les hypnotisent. Et, comme le matin, une fois la voiture balai passée, chacun rentre chez soi regarder à la télé le final de l’étape. En moins de 5 minutes, le « bad cop » et moi, nous retrouvons pratiquement seuls à notre barrière de sécurité. Je poireaute quelque temps, puis aperçois une autre signaleuse qui se dirige vers la mairie. Je prends congé de l’élève-gendarme et la rejoins prestement. Ma collègue en gilet jaune me propose d’aller boire un verre à la buvette organisée par les associations E.S. Mignonne, Solidarité Enfants du Monde et le Comité d’animation de Saint-Urbain.
L’ambiance y est très conviviale et « chaude ». Et j’en suis bonne pour un gros coup de soleil sur le visage. Ah là là, si seulement j’avais eu un bob Cochonou...